Depuis de nombreuses années, voire des décennies, les mythes et fausses croyances entourant le tabac, la nicotine et leurs effets sur le poids sont nombreux. De nombreux fumeurs craignent la prise de poids qui pourrait survenir après la cessation tabagique. Cette peur en freine même plusieurs à renoncer à cesser de fumer, ce qui est bien malheureux considérant tous les bénéfices associés à la perte de cette mauvaise habitude. Par ailleurs, certaines personnes maintiendront leur poids alors que d’autres gagneront quelques kilos. Est-ce que la nicotine est la seule responsable ou bien si des facteurs sous-jacents peuvent y contribuer? Le poids des habitudes Dans le domaine de la nutrition, on parle souvent de l’ancrage des habitudes alimentaires. En effet, lorsqu’une certaine habitude fait partie de la vie d’une personne depuis 10, 20 ou 30 ans, il est loin d’être facile de la changer. C’est alors que l’approche « SMART » est souvent privilégiée. L’approche SMART S pour Spécifique; M pour Mesurable; A pour Atteignable; R pour Réaliste; et T pour Temporel. Cette méthode permet de fragmenter les étapes entourant un changement du mode de vie afin que les changements soient plus durables dans le temps. Le même principe est souvent appliqué à la cessation tabagique, alors que le gain de poids est souvent associé au grignotage plus fréquent pour remplacer l’action de fumer (ou l’action de porter quelque chose à sa bouche). La cigarette altère la perception des saveurs Fumer entraîne souvent une modification du goût et de l’odorat. Effectivement, une fois inspirée, la fumée de cigarette, qui est composée de substances chimiques et toxiques, se propagent le long des muqueuses de la région ORL (la bouche, le palais et la gorge). Les papilles gustatives, qui permettent de distinguer le goût des aliments, sont également touchées, tout comme la muqueuse nasale. Ainsi, les fumeurs se retrouvent avec des capacités gustatives et olfactives moindre que les non-fumeurs. Par conséquent, cela les entraînent à se tourner vers des aliments plus goûteux qui sont bien souvent riches en gras, en sucre et en sodium. Le but? Pouvoir rehausser la saveur des plats. Des chercheurs ont démontrés que la prise de poids moyenne, 1 an après l’arrêt du tabac, se situait entre 2,5 kg et 5 kg et qu’elle se concentrait surtout lors des deux premières années de l’arrêt pour s’atténuer par la suite. En quittant la cigarette, les fumeurs ne retrouvent pas d’emblée un seuil de perception optimal et doivent apprendre tranquillement à se réapproprier les saveurs des aliments. Cet apprentissage peut s’échelonner sur des mois, voire des années. De ce fait, dans les premières semaines après avoir arrêté le tabac, les ex-fumeurs continueront de consommer des aliments leur procurant une sensation agréable au palais comme les friandises, les boissons sucrées et autres produits ultra-transformés. Toutefois, il semble que la vraie raison de la prise de poids soit au-delà de cette hypothèse. Des chercheurs ont identifié la nicotine comme étant une molécule « coupe-faim ». Les fumeurs ont alors peur de la cessation tabagique… Les effets neurologiques du tabac Au-delà des habitudes, des mécanismes neurologiques s’invitent à la partie. En effet, le tabac diminuerait l’appétit et beaucoup de fumeurs rapporteraient le désir de fumer pour mieux gérer leur poids. Ces effets supplantent même la volonté et le contrôle des fumeurs. Une équipe de chercheurs s’est penchée sur la question et a pu identifié une nouvelle avenue intéressante. Leur conclusion : la nicotine comme étant une molécule dite coupe-faim. Plus précisément, elle possèderait un effet hyperglycémiant (qui fait monter le taux de sucre dans le sang). Une fois libéré dans le sang, le glucose serait alors détecté par des cellules spécialisées qui enverraient un message au système nerveux l’informant de sa présence dans le cerveau. La nicotine activerait un récepteur situé sur des neurones de l’hypothalamus qui est une région du cerveau dont les principales fonctions sont la régulation de la faim, de la soif, du sommeil et de la température corporelle. Conséquemment, lors de la cessation tabagique, l’effet coupe-faim de la nicotine disparaît, ce qui peut induire une prise de poids. À noter que ce ne serait pas tous les fumeurs qui ressentiraient ce fameux effet coupe-faim. Bref, il semble en effet prometteur d’orienter des traitements de sevrage de la nicotine vers ce récepteur pour limiter le gain de poids survenant après avoir cessé de fumer. Par contre, comme ces récepteurs n’affectent pas seulement la faim, cela risque d’être difficile d’y arriver sans avoir d’autres répercussions, notamment sur le stress. Bien que prometteur, il est important de mentionner que ces études préliminaires1Mineur YS et coll. Nicotine decreases food intake through activation of POMC neurons. Science. 2011 Jun 10;332(6035):1330-2. doi: 10.1126/science.1201889. ont été effectuées chez des souris. Les fumeurs compensent-ils dans la nourriture? Pour certains ex-fumeurs, la nourriture devient une sorte d’exutoire. Pour eux, le grignotage joue le rôle de substitut de la cigarette pour les fumeurs en leur procurant le sentiment de plaisir et de bien-être qu’ils associaient au tabac. En outre, la consommation d’aliments joue un rôle de diversion en leur permettant d’oublier, pendant un instant, leur envie de fumer. De plus, elle permet d’atténuer les symptômes du sevrage tels que la dépression, les troubles du sommeil et l’anxiété. Prendre du poids en arrêtant de fumer? Le cessation tabagique peut être particulièrement difficile et déstabilisant, alors que les fumeurs ont l’impression de perdre le contrôle d’une partie de leur vie. La nourriture devient donc une source de réconfort qui permet de mieux gérer leur stress et leur nouvelle réalité. Il peut donc résulter une prise de poids issue de ce phénomène de compensation, surtout que les fumeurs ciblent les aliments transformés tels que le chocolat, les biscuits et les gâteaux. Toutefois, le gain de poids risque de s’atténuer avec le temps à mesure que le fumeur s’adapte à sa nouvelle situation.
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